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PRESSE | Le Soir | Entretien avec Alda Greoli, Ministre de la Culture de la FWB

Dans un entretien au Soir, Alda Greoli, nouvelle Ministre de la Culture de la FWB (depuis le 18 avril et suite à la démission de Joëlle Milquet), évoque la manière dont elle conçoit sa fonction et les grands dossiers dont elle a la charge.



En voici quelques extraits choisis:

  • les budgets débloqués pour les travaux au Musée Juif à Bruxelles, au Mad Musée à Liège et pour le fonctionnement du centre Keramis à La Louvière

"Pour le Musée juif [...] C’est un musée qui se veut orienté vers la pluriculturalité et j’emploie volontairement ce mot plutôt que la multiculturalité. Ça veut dire qu’il veut être le lieu des cultures plurielles et s’ouvrir à plusieurs cultures. Par ailleurs, c’est vraiment un lieu de témoignage. Et pour moi la culture dit quelque chose de la transmission. Le Musée juif transmet quelque chose de notre histoire au sens le plus noble. Et lorsque cette histoire-là s’ouvre à la pluriculturalité, j’estime qu’il faut soutenir ce genre d’initiatives."

  • l'intérêt personnel de la Ministre pour le domaine de la culture

" Il y a les expressions culturelles, les expressions artistiques et puis tout le champ de l’éducation permanente dont je suis issue. Tout le côté émancipation de la population, je le connaissais par le biais de l’éducation permanente. Ensuite, à titre personnel, je suis imprégnée de ma culture à deux niveaux. D’une part, j’ai besoin de me nourrir dans mon rapport au beau. Et ce rapport au beau prend toutes les formes : musicales, picturales, scéniques, cinématographiques… Par ailleurs, ma colonne vertébrale politique est basée sur une philosophie du vivre ensemble, de la transmission et de l’épanouissement. Comment voulez-vous avoir une colonne vertébrale politique de ce type sans aller vous nourrir à la culture ?"

  • l'opération Bouger Les Lignes

"Dans la partie « Artiste au centre », ce qui est vraiment intéressant, c’est qu’on a décentré les choses par rapport aux institutions. On est reparti des créateurs, des artistes, de l’expression. Tout l’enjeu est maintenant de réconcilier cela avec les institutions. Et je ne veux pas du tout que l’artiste devienne animateur culturel. L’artiste est là pour qu’on ait le choc de la culture, le choc du beau…"

  • la notion du "beau" dans l'art

"C’est du beau au sens de l’émotion esthétique. Après, cette émotion peut être confrontée à l’horreur. [...] Quand on dit « c’est beau », on veut dire que c’est juste, que c’est fort."

  • la difficulté des musées à entreprendre des acquisitions

"La Communauté française fait des acquisitions, la Région Wallonne fait des acquisitions, certaines villes et provinces en font. J’ai parfois l’impression qu’on se disperse un peu. Si on avait une réflexion plus coordonnée, on pourrait peut-être avoir une politique d’achat et de mise en valeur plus cohérente."

  • l'art dans l'espace public

"tout le long du parcours de la jeunesse, de la plus petite enfance jusqu’à la formation du jeune adulte, l’importance du contact avec la culture est énorme. Cela inscrit les gens différemment dans leur environnement. J’ai donc vraiment envie de re-réfléchir, avec mon collègue chargé des études supérieures, à la manière dont on pourrait mettre l’art en valeur dans certains lieux, particulièrement les hautes écoles et les universités."

"On respecte toujours mieux un lieu quand il a été mis en valeur par un artiste."

  • les centres culturels

"J’ai l’impression qu’aujourd’hui ce secteur-là se remet lui-même en cause, plus qu’on ne le dit. Premièrement, parce qu’il y a une, voire deux générations qui sont passées. Aujourd’hui, la possibilité d’être beaucoup plus en réseau, d’être acteur sur plusieurs communes permet d’autres dynamiques. Mais ce sont des lieux où le politique a parfois un peu trop mis les pieds. Si on pouvait rendre un peu plus ces lieux aux acteurs culturels et associatifs, je pense qu’on ferait œuvre utile. Maintenant, ils sont aussi à la base de toute une série d’actions qui passent peut-être un peu inaperçues dans la médiatisation culturelle mais qui, dans les faits, au quotidien, permettent à des centaines de milliers de personnes d’avoir un contact avec la culture qu’elles n’auraient jamais sans eux. Je pense aussi qu’ils sont assez bons dans la diffusion mais qu’il faut leur rendre un peu d’espace dans la création et dans les ateliers."

  • l'entreprenariat culturel

"Je ne suis pas choquée qu’on associe entreprenariat et culture. Dans toute l’histoire de l’art on a eu besoin de mécènes et d’entrepreneurs culturels."

"Je suis toujours frappée de constater que, pour certains en politique, les entrepreneurs sont uniquement ceux qui génèrent de la plus-value commerciale. Pour moi, un directeur d’hôpital, un artiste, un directeur de théâtre sont des entrepreneurs. Sociaux ou culturels. Ce sont des gens qui prennent des risques, gèrent des équipes, bâtissent une entreprise au jour le jour. Ils sont à mes yeux sur le même pied que des entrepreneurs purement économiques. Leurs buts sont simplement différents. Et ce sont là des gens qui permettent de créer de la cohésion sociale et du bien-être de la population."

  • les contrats-programmes en art de la scène

"Je viens de faire passer la deuxième lecture du décret « arts de la scène » au gouvernement. On y a tenu compte d’une série de remarques et modifié certaines choses. J’espère pouvoir faire passer en troisième lecture avant les vacances puis au parlement et voté avant la fin de l’année. On devrait alors redémarrer avec des contrats-programme débutant tous à la même date, ce qui permet une meilleure vision générale du secteur."

  • l'emploi artistique

"le statut de l’artiste [... ] existe mais ne tient pas assez compte des périodicités de création, de réflexion, de préparation par rapport aux moments où ça génère de l’argent. Je veux retravailler sur cela avec le fédéral. Par ailleurs, il y a la qualité des contrats d’emploi. Y compris les emplois techniques. Il doit y avoir moyen d’offrir de vrais contrats d’emploi, même de courte durée, plutôt que d’amener les gens à prendre des statuts d’indépendant ou autres…"

  • la mutualisation

"Moi, ce qui m’intéresse, c’est de voir quelle est l’efficience des moyens mis en œuvre et comment on les utilise. Bien sûr on peut faire le constat qu’il manque de moyens dans le secteur culturel en général. Mais je pense aussi qu’on peut aller plus loin dans la capacité de mutualiser les moyens, de mise en réseau, de soutenir les mises en commun… Ça ne veut pas dire donner moins d’argent. C’est simplement veiller à mettre parfois des lieux, du matériel, des savoir-faire, en commun. Pour regagner des marges pour des artistes, de la création, etc."

  • la régionalisation de la culture

"Ma colonne vertébrale, c’est la Communauté française. Je ne vois aucun intérêt à régionaliser la culture et je me battrai pour qu’il n’en soit pas ainsi. L’espace culturel francophone n’est déjà pas très grand. On ne facilitera certainement pas la vie des artistes, des créations et des institutions en régionalisant. On a une culture commune entre Francophones. Et je dirais même plus : entre Belges. On a une capacité à rentrer aisément en connivence avec les œuvres d’artistes flamands, de cinéastes flamands, etc. Pour moi, l’espace culturel francophone à son sens et l’espace culturel belge a son sens."


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BLL Secteur artistique & culturel