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Brass'Art | Brussels Studies n°141 - Brass’Art à Molenbeek : laboratoire urbain du « faire-ensemble »

Rédigée par Nadia Fadil et Maryam Kolly, la publication numéro 141 de "Brussels Studies" prend le café Brass’Art, qui vient d'annoncer sa fermeture définitive, comme point de départ d’une réflexion sur les tensions et aspirations éthiques qui émergent lors de la construction d’un espace commun à vocation pluraliste. 

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Exactement un an après les attentats de l’aéroport de Zaventem et du métro Maelbeek à Bruxelles, le café Brass’Art ouvre ses portes au cœur de Molenbeek. Les initiateurs, un collectif d’artistes formé par un comédien bruxellois belgo-marocain, voient dans ce projet un espace transcendant les clivages sociaux et religieux. Un ingrédient important du succès du café et, en réalité, du retentissement médiatique généré dans la presse locale à son ouverture, est la décision de l’initiateur de vendre de la bière (donc, de l’alcool) dans un espace se voulant explicitement ouvert à tous, y compris la population de confession musulmane.

Basée sur une observation ethnographique réalisée  entre mai 2017 et janvier 2018 par Nadia Fadil (KU Leuven) et Maryam Kolly (Université Saint-Louis – Bruxelles), cette analyse entend montrer comment la question de l’alcool en particulier mobilise et cristallise les tensions mais donne aussi lieu à des accommodements.

Selon les auteures, la présence conjointe au Brass’Art de la bière et du café "NosNos" (café au lait marocain) est tout sauf anodine : ces boissons jouent en réalité un rôle important dans la délimitation des contours identitaires du lieu. Elles fonctionnent comme autant de symboles, de vecteurs de reconnaissance pour les différentes audiences dont le Brass’Art cherche à rencontrer les besoins. Mais le poids symbolique de ces deux produits n’est pas équivalent. La bière, bien plus que le café "NosNos", retient en effet beaucoup l’attention du monde extérieur et, même, est un des motifs pour saluer ou, au contraire, critiquer le café culturel. 

L’observation attentive des chercheuses montre que créer un espace inclusif est un art d’équilibrage. Cet art inclut un sentiment d’inconfort, avec un risque perpétuel de chute et d’échec. Le statut de boisson prohibée ("haram") de l’alcool dans le monde musulman et sa diaspora bruxelloise, en fait une zone d’inconfort pour l’organisation de Brass’Art. L’alcool joue ainsi un rôle d’acteur qui sépare soigneusement les espaces sociaux, en fonction des affinités ethnoreligieuses. Introduire et commercialiser l’alcool dans un café comme Brass’Art représente en ce sens pour beaucoup un acte de transgression à l’égard des normes islamiques, de même qu’une intrusion. 

Les diverses parties sont dès lors soumises à des accommodements tacites qui autorisent cette présence de la consommation (d’alcool), qui se doit d’être discrète afin qu’elle ne trouble pas (trop) le caractère moralement acceptable de l’espace. De tels types de négociations sont quotidiens au Brass’Art et on y associe d’autres "garde-fous" concrets, comme ne pas servir d’alcool avant midi ou aux personnes en état d’ébriété, clôturer les activités nocturnes à 23 h …

Mais le grand mérite de l’observation attentive du fonctionnement quotidien du Brass’Art est de démontrer que le subtil rééquilibrage du rapport de forces entre « majoritaires » et « minoritaires » ne se fait pas tant par des négociations conscientes que par des ajustements pragmatiques, pratiques, quotidiens … rarement thématisés comme tels.

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